top of page
Rechercher

Friedrich Merz, entre l’ambition et les défis

Dernière mise à jour : 15 mai

Le futur chancelier veut remettre l’Allemagne au centre du jeu européen. Face à la menace russe et au désengagement américain, le pays doit se réarmer.

 

« L’Allemagne est de retour » se plait à répéter Friedrich Merz. Dans le sillage de Konrad Adenauer et d’Helmut Schmidt, le futur chancelier rêve d’entrer dans les livres d’histoire comme celui qui sortira le pays de l’immobilisme politique et du marasme économique des dernières décennies. La tâche promet d’être rude au vu des défis qui attendent la nouvelle coalition : un environnement de sécurité plombé par la guerre en Ukraine et le désengagement américain, une économie en déclin et une scène politique de plus en plus polarisée. « Jamais depuis les débuts de la République fédérale en 1949, un gouvernement allemand n’a pris ses fonctions dans des conditions aussi difficiles » souligne Daniela Schwarzer, membre du conseil exécutif de la Fondation Bertelsmann. « La CDU et le SPD doivent démontrer leur détermination à mener à bien des réformes fondamentales en dépit des coûts politiques à court terme ».

 

 

Mission impossible ? Friedrich Merz ne connaîtra ni lune de miel, ni état de grâce. Une majorité d’Allemands doute de la capacité du nouveau gouvernement à résoudre les problèmes du pays et le Parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD) talonne les chrétiens-démocrates dans les derniers sondages. Le futur chancelier dispose toutefois d’un atout : il a surmonté le principal obstacle à une action sérieuse, - le « frein à l’endettement » allemand-, avant même la formation de son gouvernement. Dans un geste audacieux, la CDU et le SPD, soutenus par les Verts, ont amendé la Constitution allemande pour assouplir ses règles sur le montant du déficit budgétaire et ont adopté un programme d’investissement de 1000 milliards d’euros. Un changement de paradigme pour un pays qui a longtemps fait de l’orthodoxie budgétaire la pierre angulaire de ses politiques publiques. Le nouveau gouvernement aura la marge de manœuvre nécessaire pour augmenter les dépenses consacrées à la défense, à la modernisation des infrastructures du pays, à la recherche, à la numérisation et à la protection du climat.

 

La prudence l’emporte néanmoins sur les promesses de transformation dans le contrat de coalition de 146 pages conclu entre chrétiens-démocrates de la CDU-CSU et sociaux-démocrates du SPD, résultat d’un compromis inévitable. Accusé par ses partisans d’avoir trop cédé au SPD, Merz a obtenu des contrôles d’immigration plus stricts, une réduction de l’impôt sur les sociétés et le durcissement des règles relatives au revenu minimum. En dépit d’un affaiblissement électoral majeur (16, 4 % des voix), les sociaux-démocrates ont imposé l’objectif d’une augmentation du salaire minimum à 15 euros de l’heure d’ici 2026 et décrochent sept ministères (contre six à la CDU et deux à la CSU). Au ministère des Finances, le vice-chancelier Lars Klingbeil, nouvel homme fort du parti, tiendra les cordons de la bourse tandis que le populaire ministre de la Défense Boris Pistorius doit rester à son poste.

 

En échange, le ministère des affaires étrangères revient à la CDU, une première depuis 1966. Son futur titulaire, Johann Wadephul, expert des questions de défense européenne, n'a pas attendu son entrée en fonction pour rencontrer à Paris Jean-Noël Barrot et le conseiller diplomatique de l’Élysée Emmanuel Bonne. Un Conseil de sécurité nationale va être créé à la Chancellerie pour mieux intégrer la politique étrangère, de sécurité et de défense et doter l’Allemagne, d’ici 12 mois, d’une nouvelle stratégie de sécurité nationale.

 

Friedrich Merz aura ainsi la haute main sur la politique étrangère, un domaine où il veut imprimer sa marque en replaçant l’Allemagne au centre du jeu en Europe. Il fera son premier déplacement à l’étranger à Paris, le 7 mai, au lendemain de son investiture par le Bundestag, un signe fort qui illustre sa volonté de relancer la coopération franco-allemande dans les grands dossiers européens, en particulier sur l’Ukraine et la sécurité de l’Europe, l’industrie de défense et la technologie.

 

Paradoxalement, il reviendra à cet atlantiste convaincu de préparer l’Allemagne à se passer de la garantie de sécurité américaine. Les dépenses de défense dépassant le seuil de 1% du PIB, soit environ 45 milliards d’euros, pourront être votées sans tenir compte du mécanisme constitutionnel restreignant le recours à l’emprunt. Grâce à cet effort budgétaire, Berlin pourrait rapidement atteindre le seuil de 3 % du PIB pour ses dépenses de défense (contre 2, 1 % en 2024). Le contrat de coalition prévoit d’accélérer les acquisitions d’armement et d’instaurer une forme de service militaire volontaire. De quoi répondre aux trois principaux problèmes de la Bundeswehr : le matériel, les infrastructures et le personnel.

 

Selon le rapport annuel du gouvernement, les effectifs stagnent à environ 182 000 hommes. « Nous avons besoin de 100 000 soldats supplémentaires le plus rapidement possible » affirmait récemment le général Carsten Bauer, commandant en chef de la Bundeswehr. A plus long terme, la « Force de défense fédérale » comprendrait 460 000 soldats, un chiffre incluant le service actif, la réserve et les anciens soldats mobilisables en cas de crise majeure.

 

Cette nécessaire mise à niveau de l’armée allemande devrait inéluctablement changer les rapports de force sur le Vieux Continent. « L’Allemagne a la plus grande population et la plus grande économie d’Europe » décrypte l’historien américain Michael Kimmage dans la revue Foreign Affairs. « Si elle se dote d’une armée puissante, elle pourrait devenir un hégémon régional ou risquer d’être perçue comme tel ». Et la Russie sera la première à vouloir entraver cette montée en puissance, comme on le voit déjà dans sa campagne de désinformation et de sabotage ou dans le projet d’assassinat d’Armin Papperger, patron de l’entreprise de défense Rheinmetall.

 

 
 
 

Posts récents

Voir tout
Ukraine: la face obscure de la présidence

L’enquête conduite par le Bureau national anticorruption d’Ukraine (NABU) et le Parquet ukrainien anticorruption spécialisé (SAPO) a mis à jour l’existence d’un réseau criminel qui aurait détourné 100

 
 
 

Commentaires


Ce site web est maintenu par François d'Alançon à Paris, France.

 

Il contient des publications personnelles et des liens vers des publications dont François d'Alançon est l'auteur. Ce site ne représente pas La Croix ni les autres médias référencés ou cités.

 

Si vous avez des questions sur le contenu publié sur ce site, veuillez utiliser le formulaire de contact.

Politique de confidentialité

© 2023 by François d’Alançon

bottom of page