Karol Nawrocki, un président de combat pour la Pologne
- fdalancon
- 4 juin
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Le vainqueur de l’élection présidentielle polonaise s’est positionné à la droite du parti national conservateur Droit et justice (PiS).
C’est un combattant, un bagarreur, passionné de boxe et de football, qui sera intronisé président de la République de Pologne le 6 août prochain. Karol Nawrocki, âgé de 42 ans et père de trois enfants, soutenu par le parti national-conservateur Droit et justice (PiS), a été élu, dimanche 1er juin, au second tour du scrutin, avec 50, 89 % des voix, soit 369 451 voix d’avance sur le maire libéral de Varsovie Rafal Trzaskowski (49,11 %). Sans passé politique, cet historien, président de l’Institut de la mémoire nationale (IPN), avait été choisi précisément pour faire oublier les frasques, scandales et délits de nombreux élus du PiS, mis en examen ou condamnés depuis leur chute du pouvoir en 2023.
Au cours de sa campagne, il s’est souvent positionné plus à droite que le PiS, en particulier sur l’avortement, et en rupture avec la politique sociale pratiquée par la première ministre Beata Szydlo entre 2015 et 2017. Sa victoire annonce une cohabitation très conflictuelle avec le premier ministre et ancien président du Conseil européen Donald Tusk, à la tête d’une coalition de centre droit depuis 2023. « Nawrocki sera un partenaire bien plus difficile pour Tusk que le président sortant » souligne Michal Szuldrzynski, rédacteur en chef du quotidien Rzeczpospolita. « Sa principale mission consistera à bloquer les actions du gouvernement et de préparer le retour au pouvoir du PiS aux prochaines élections législatives ». Fort de ses prérogatives de chef de l’État, Karol Nawrocki pourra retarder l’application de lois votées par le parlement en refusant de les signer ou en demandant l’avis du tribunal constitutionnel.
"La Pologne d'abord"
Sous le slogan « La Pologne d’abord », en résonance directe avec le America First de Donald Trump, Karol Nawrocki s’est fait le champion d’un récit national centré sur la défense de la souveraineté polonaise, menacée, selon lui, par Bruxelles, le Pacte vert européen et l’Allemagne à qui il demande des réparations. Comme son prédécesseur Andrzej Duda, Karol Nawrocki mise avant tout sur une relation bilatérale privilégiée de la Pologne avec les États-Unis, en matière de défense, mais aussi d’industrie et de commerce. Début mai, au cours d’une brève rencontre à la Maison Blanche, le président américain l’avait adoubé en prédisant sa victoire. Le camp MAGA (« Make America Great Again ») lui a ensuite explicitement apporté son soutien par la voix de la secrétaire américaine à la sécurité intérieure Kristi Noem, au cours d’une conférence des conservateurs américains (CPAZC) organisée le 27 mai à Rzeszow, en territoire polonais. En rupture avec le consensus bipartisan sur le sujet, Karol Nawrocki s’oppose à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE, qu’il conditionne à la résolution des différends mémoriels sur les massacres de Volhynie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un pilier de la "politique historique"
Issu d’une famille modeste de la banlieue populaire de Gdansk, - un père tourneur, membre du syndicat Solidarnosc, une mère, relieuse-, le président élu est titulaire d’un doctorat en histoire et d’un MBA en stratégie et gestion de projets. Après des études secondaires dans la section sportive de son lycée, il obtient un diplôme de gestion du personnel, avant de poursuivre des études d’histoire à l’université de Gdansk où il soutient une thèse, en 2013, sur la résistance sociale aux autorités communistes dans la voïvodie d’Elblag entre 1976 et 1989. En 2009, il commence sa carrière à l’IPN où il se spécialise dans l’étude de l’opposition anticommuniste et du crime organisé en Pologne. Directeur du Musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdansk, entre 2017 et 2021, il est nommé président de l’IPN en juillet 2021. A la tête de ces deux institutions, il devient un pilier de la « politique historique » mise en oeuvre par le PiS entre 2015 et 2023, synonyme d’une politique mémorielle consistant à mettre en valeur les vertus patriotiques et l’héroïsme de la nation polonaise, en gommant notamment le rôle joué par une partie de la population polonaise pendant la Shoah.
La part obscure
Depuis son introduction par le PiS en novembre 2024, la part obscure du parcours de cet homme, jusque-là inconnu du public, s’est étalé dans les médias, aussitôt accusés de complot au service d’intérêts étrangers. Selon le site d’information Onet, Karol Nawrocki aurait ainsi travaillé comme agent de sécurité au grand hôtel de Sopot, une station balnéaire de la mer Baltique, au début des années 2000 et participé à la couverture d’un réseau de prostituées à destination des clients de l’hôtel. Le futur président n’a pas nié sa participation à des rixes de hooligans, supporteurs de clubs de football rivaux, qualifiés par lui de « combats sportifs et nobles » qui « lui avaient donné en quelque sorte la préparation et le caractère pour être candidat à la présidence ». Sa proximité avec la pègre locale est connue. Le futur président a même consacré un livre à un gangster de l’époque communiste, Nikodem Skotarczak, publié en 2018, sous le pseudonyme de Tadeuz Batyr. Lui qui affirmait ne posséder qu’un seul logement s’est vu reprocher l’acquisition d’un second appartement à un prix dérisoire, auprès d’un vieil homme dans le besoin, dans des circonstances douteuses.
Extrême polarisation
Loin de lui nuire, ces révélations sur les squelettes accumulés dans son placard l’ont, au contraire, aidé à mobiliser et à galvaniser l’électorat du PiS, peu convaincu au départ, dans un contexte d’extrême polarisation. « La victoire de Nawrocki pourrait ouvrir la voie à une future coalition entre le PiS et le parti d’extrême droite Confédération de Slawomir Mentzen, arrivé en troisième position au premier tour de l’élection présidentielle» affirme l’essayiste Jakub Majmurek. « Il est fort possible que des élections législatives aient lieu dès l’année prochaine si les deux principales forces politiques décident que c’est la seule façon de sortir de l’impasse entre le Palais présidentiel et la Diète ».
François d’Alançon
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