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Friedrich Merz, la revanche de l’anti-Merkel

fdalancon

 

Favori des sondages, le candidat conservateur veut rompre avec l’héritage de l’ancienne chancelière mais la situation du pays réduira sa marge de manœuvre.

 

S’il accède à la chancellerie, ce sera le come-back le plus spectaculaire de la République de Berlin. Éloigné de la politique pendant 13 ans, Friedrich Merz était devenu une sorte de président d'honneur des chrétiens-démocrates conservateurs, un courant marginalisé dans la CDU centriste-libérale d’Angela Merkel. En 2018, son retour sur la scène politique était un pari à l’issue incertaine et il n’a réussi à prendre les rênes du parti qu’à sa troisième tentative. Conservateur sur les questions de société, libéral sur l’économie, europhile et attaché à la relation franco-allemande en politique étrangère, Friedrich Merz pâtit d’une mauvaise image, caricaturale selon ses proches, celle d’un homme du passé, un réactionnaire et un millionnaire déconnecté des préoccupations de la classe moyenne. Ses partisans vantent son éloquence et sa fiabilité. Ses détracteurs le disent arrogant et soulignent qu’il n’a jamais exercé la moindre fonction gouvernementale. Ce profil clivant ne l’aide pas à gagner la sympathie des femmes et des moins de 30 ans « Il a le sérieux que l’époque exige, l’expérience dont nous avons besoin en politique économique et au niveau international » tranche Theo Waigel, ancien dirigeant de la CSU.

 

Contrer la poussée de l'AfD


Fin janvier, le chef de la CDU a enflammé le pays en s’appuyant sur l’extrême-droite de pour tenter de faire adopter une loi anti-immigration, créant un petit séisme dans la vie politique allemande. Au lendemain de l’attaque au couteau perpétrée par un réfugié allemand en situation irrégulière qui avait fait deux morts à Aschaffenburg (Bavière), il décide de soumettre, dans une motion non contraignante, son plan anti-immigration en cinq points et une proposition de loi visant à limiter le regroupement familial au vote du Bundestag. La première est adoptée grâce aux voix de l’Alternative für Deutschland (AfD). La seconde est rejetée. Même si le texte n’avait aucune chance de passer au Bundesrat, c’est un fiasco pour celui qui s’est donné pour objectif de rassembler un pays divisé : douze parlementaires de la CDU ainsi que seize du Parti libéral-démocrate (FDP) ne sont pas venus voter.

 

Friedrich Merz s’est retrouvé critiqué de toutes parts, y compris par Angela Merkel, accusé d’avoir fragilisé le « cordon sanitaire » face à l’extrême droite. Merz dément en répétant que « jamais » la CDU ne travaillera avec l’extrême-droite. Son calcul : contrer la poussée de l’AfD en se montrant intransigeant sur l’immigration, même s’il devra, une fois arrivé en tête, faire des compromis pour former une coalition, probablement avec les sociaux-démocrates. Certains ont vu dans cette stratégie risquée une nouvelle démonstration de son impulsivité. « Le Merz qui ne se maîtrise pas et se laisse emporter par la tempête qui fait rage en lui » commente Roman Deiningen dans le Süddeutsche Zeitung.

 

L'histoire d'une ambition contrariée


Friedrich Merz, le revenant, c’est l’histoire d’une ambition contrariée, magnifiée, au fil du temps, en désir de revanche. Natif de Brilon, dans le Sauerland, une région au sud-est de Dortmund, il grandit dans cette petite ville, élevé dans la foi catholique, aîné de quatre enfants dans une famille d’avocats. Son grand-père maternel, Josef Paul Sauvigny, descendant de huguenots, était maire. Membre de la CDU à 17 ans, député européen à 34 ans et du Bundestag à 39 ans, il devient président du groupe parlementaire CDU/CSU à 45 ans. Du haut de son 1 mètre 94, cet expert en finances publiques se voit déjà chancelier. Trop sûr de lui, il ne se méfie pas assez de sa rivale de toujours, Angela Merkel, secrétaire générale du parti, surnommée la petite « Mädchen ». En 2000, lors du Congrès d’Essen, il accepte en maugréant son élection à la présidence du parti, quand le scandale des « caisses noires » balaye Helmut Kohl et Wolfgang Schäuble. En attendant, pense-t-il, l’occasion de la faire chuter. Redoutable manœuvrière, sous des dehors rustiques et candides, la « fille de l’Est » prend, deux ans plus tard, le contrôle total de la CDU et de ses élus en l’évinçant de la direction du groupe parlementaire. Humilié par cette mise à l’écart et lassé de jouer les seconds rôles, le Rhénan quitte la scène politique en 2009 pour une carrière lucrative dans le secteur privé pendant presque dix ans. Avocat d’affaires, il cumule les sièges au conseil d’administration de grandes entreprises et devient président du conseil de surveillance, - c’est-à-dire lobbyiste en chef-, de la filiale allemande de BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde. Le phénix de la politique allemande attendra qu’Angela Merkel annonce sa décision de quitter la direction de la CDU, pour revenir se présenter comme simple député dans son fief du Sauerland, soutenu par sa famille, Charlotte son épouse, leurs trois enfants et sept petits-enfants.  

 

En rupture avec l'héritage


Friedrich Merz se veut désormais « l’anti-Merkel », en rupture avec l’héritage, en politique intérieure comme en politique étrangère, qu’il s’agisse de la sortie du nucléaire, de la construction de Nord Stream II, de la politique d’accueil des réfugiés, du manque d’investissement dans les infrastructures ou de « la confiance perdue chez nos partenaires et nos alliés ».  Le candidat conservateur veut réduire l’impôt sur les sociétés, alléger la bureaucratie et faire progresser la numérisation, dans une équation difficile à résoudre entre investissements et rigueur budgétaire, même s’il laisse la porte ouverte à un assouplissement du frein à l’endettement. A la fois atlantiste et pro-européen, il dénonce comme « inacceptable » la démarche de Trump sur le Groenland. Friedrich Merz entend « concrétiser » avec la France « la vision d’une Europe souveraine » et signer avec la Pologne un traité d’amitié. Plutôt que d’émettre de nouvelles dettes communes par l’UE pour alimenter un fonds européen de défense, il préfère renforcer le marché intérieur des équipements de défense et unifier les systèmes d’armes.

 

Une certaine ambiguïté sur la Russie et l'Ukraine


Sur l’Ukraine et la Russie, sa position semble fluctuante. Le favori pour la chancellerie s’est longtemps positionné comme un faucon envers la Russie, favorable maintien des sanctions pour mettre fin au conflit. En octobre 2024, il faisait pression sur le chancelier social-démocrate Olaf Scholz pour la livraison de missiles de croisière Taurus à Kiev si Vladimir Poutine « ne cessait pas ses attaques sur des infrastructures civiles dans les 24 heures ». Deux mois plus tard, il modère ses propos : « À aucun moment, je n’ai posé d’ultimatum à Poutine », sans doute pour tenir compte le manque d’enthousiasme dans l’opinion publique allemande pour l’envoi de ce matériel militaire. « Sur la question russe et en période de campagne électoraleFriedrich Merz semble nager entre deux eaux, conscient du danger que représente l’invasion russe pour l’Europe et sensible à la lassitude des Allemands à l’égard du conflit, exprimée dans les enquêtes d’opinion » décrypte Martin Baloge, enseignant chercheur à l’Institut catholique de Lille dans une note de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

 

Tout en soulignant la nécessité d’investir dans la Bundeswehr, le candidat a minimisé la déclaration de Donald Trump appelant les pays membres de l’OTAN à augmenter leurs dépenses de défense à 5 % du PIB : « les deux, trois ou cinq pour cent ne sont fondamentalement pas pertinents, ce qui compte c’est que nous fassions ce qu’il faut pour nous défendre ». En revanche, le programme de la CDU dénonce très clairement la politique de la Chine visant à créer des dépendances économiques, financières et politiques. Friedrich Merz a mis en garde les entreprises allemandes qui investiraient en Chine et pourraient se retrouver ensuite en difficulté en cas de bouleversements géopolitiques, une position qui rejoint celle énoncée dans la stratégie Chine du gouvernement sortant.

 

Dans un contexte de récession économique et d’instabilité sur la scène internationale, la tâche s’annonce complexe mais il est décidé à imprimer sa marque, dans la lignée de Konrad Adenauer, Ludwig Erhard et Helmut Kohl. « À 69 ans, Merz serait le deuxième chancelier le plus âgé de l’histoire de l’Allemagne et il pourrait donc n’effectuer qu’un seul mandat, voire deux au maximum » souligne l’essayiste suisse Joseph de Weck. « Il pourrait être plus enclin à utiliser son capital politique pour prendre des décisions importantes à court terme ».

 


 

 
 
 

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