États-Unis: la stratégie de l'administration Trump pour vassaliser l’Europe
- fdalancon
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 1 jour
L’administration Trump a publié, vendredi 5 décembre, la nouvelle « Stratégie de sécurité nationale » américaine. Un document de 33 pages qui appelle à « restaurer la suprématie américaine » en Amérique latine et annonce un « réajustement » de la présence militaire américaine dans le monde, « pour répondre aux menaces urgentes sur notre continent, et à un éloignement des théâtres dont l’importance relative pour la sécurité nationale américaine a diminué depuis ces dernières années ou décennies ».
Le document consacre moins de 3 pages à l’Europe, décrite comme menacée d’« effacement civilisationnel » et confrontée à de multiples enjeux : « les activités de l'Union européenne et d'autres organismes transnationaux qui portent atteinte à la liberté politique et à la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et engendrent des conflits, la censure de la liberté d'expression et la répression de l'opposition politique, l'effondrement des taux de natalité et la perte des identités nationales et de la confiance en soi ». « Si les tendances actuelles se poursuivent, affirme le document, le continent sera méconnaissable dans vingt ans ou moins ».
Dans le prolongement du discours de J.D. Vance en février 2025 devant la Conférence de Munich, la nouvelle stratégie de sécurité nationale apporte son soutien aux « partis patriotiques », autrement dit à Viktor Orbán en Hongrie, à l'AFD en Allemagne, au Rassemblement national en France et au parti Reform au Royaume-Uni.
Les points clés
• Les États-Unis souhaitent une réintégration sans heurt de la Russie de Poutine en Europe au nom du rétablissement de la « stabilité stratégique ».
• Les États-Unis veulent voir l'Europe fonctionner comme « un groupe de nations souveraines alignées ».
• Les États-Unis veulent encourager la « résistance » à la « trajectoire actuelle » dans les États européens.
• Les États-Unis veulent contraindre l'Europe à «ouvrir ses marchés aux biens et services américains » ainsi qu’à « traiter équitablement les travailleurs et les entreprises américaines ».
• Les Etats-Unis veulent contribuer au développement de « nations saines » en Europe centrale, orientale et méridionale « par le biais de liens commerciaux, de ventes d'armes, d'une collaboration politique et d'échanges culturels et éducatifs ». De toute évidence, les États-Unis ne voient pas l'Europe occidentale comme abritant des nations « saines ».
• Les Etats-Unis veulent «mettre fin à la perception et prévenir la réalité d'une OTAN en perpétuelle expansion », c'est à dire mettre fin à l'élargissement de l'Alliance atlantique. Le préambule affirme, par ailleurs, que le fait que certains membres de l’Otan deviennent à terme «majoritairement «non-européens » pourraient les inciter à remettre en cause leur alliance avec les États-Unis.
• Sur la guerre en Ukraine, la revue de stratégie nationale affirme que «l’administration Trump se trouve en désaccord avec les responsables européens qui nourrissent des attentes irréalistes quant à la guerre, perchés dans des gouvernements minoritaires instables, dont beaucoup bafouent les principes fondamentaux de la démocratie pour réprimer l'opposition» et appelle les États européens à reprendre leurs relations avec la Russie avec l’aide des États-Unis.
« L’intérêt fondamental des États-Unis est de négocier une cessation rapide des hostilités en Ukraine, afin de stabiliser les économies européennes, d'empêcher une escalade ou une extension involontaire du conflit et de rétablir la stabilité stratégique avec la Russie, ainsi que de permettre la reconstruction de l'Ukraine après les hostilités et d'assurer sa survie en tant qu'État viable. »
En résumé, l’administration Trump affiche ouvertement son objectif de vassalisation de l'Europe à travers la montée en puissance de la droite nationale populiste. Elle mise sur l’affaiblissement de l'unité européenne, de l'Union européenne et de l'OTAN, pour promouvoir une Europe des nations «alignée», dépendante des achats d'armes américaines et soumise à la domination économique des États-Unis.
Washington risque paradoxalement d'affaiblir son influence
Dans un récent article publié dans la revue Foreign Affairs, le politologue bulgare Ivan Krastev (1) explique que cette instrumentalisation de l'idéologie pourrait se retourner contre l'administration Trump. « La montée de la droite illibérale risque d'aggraver la crise économique et politique et de provoquer ce que le politologue d'Oxford Dimitar Bechev appelle la « ruée vers l'Europe» : une situation où les grandes puissances comme la Chine et la Russie et les puissances moyennes comme la Turquie et les pays du Golfe rivaliseront d'influence (...).
Paradoxalement, en renforçant ses liens avec la droite européenne, Washington risque d'affaiblir son influence en Europe dans son ensemble. (...). Si la stratégie européenne de l'administration Trump consiste à imposer un alignement idéologique plus étroit tout en réduisant le soutien économique et militaire américain, elle est vouée à l'échec. Les partis de droite, comme leurs homologues centristes et libéraux, sont conscients que, dans un contexte géopolitique de plus en plus instable, leurs pays pourrait devoir se débrouiller seuls.»
(1) Président du Centre for Liberal Strategies (Sofia, Bulgarie) et chercheur à l'Institute for Human Sciences (Vienne, Autriche).
Commentaires